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Je n’oublierai pas ses paroles

Je n’oublierai jamais le mercredi matin du 12 septembre 2001 sur la place Saint-Pierre. Le lendemain de l’attentat contre le World Trade Center. Vers neuf heures, le Pape s’est envolé de Castel Gandolfo, où il passait ses vacances, et je l’ai attendu à l’héliport des Jardins du Vatican pour l’emmener d’abord en voiture à l’endroit où attendait la papamobile, puis sur la place pour l’audience. J’ai encore devant mes yeux l’expression peinée sur son visage, son regard soucieux, son personnage affligé alors qu’il descendait les marches de l’hélicoptère. Il ne voulait absolument pas qu’on fasse le tour de la place, il ne voulait pas des applaudissements des fidèles qui l’attendaient. Pour exprimer sa douleur et faire le deuil des Américains, il a décidé de ne pas monter dans la papamobile. Je me souviens qu’il y avait une jeep blanche à l’arrière du Vatican, derrière la Porte des Cloches, et il a fermement dit qu’il ne voulait pas changer de voiture. À un moment donné, quelqu’un de l’entourage immédiat s’est approché de la voiture où j’étais au volant et le pape à l’arrière, et a suggéré au Saint-Père de mettre un gilet pare-balles. La même suggestion m’a également été adressée ainsi qu’au père Dziwisz, qui devait s’asseoir à côté de lui. Le Pape, complètement surpris, est resté un instant sans voix, a refusé catégoriquement, puis m’a regardé en me demandant : “Pietro, as-tu peur ?” Je n’oublierai pas ses paroles. J’ai répondu : “Eh bien, non, Saint-Père, si Sa Sainteté n’a pas peur, de quoi devrais-je avoir peur ? Je suis avec vous. ” Il n’a jamais mis ce gilet de sa vie, même si l’on craignait que le prochain épisode de la tragédie qui s’est produite plus tôt aux États-Unis ne soit un attentat contre lui. Nous roulions dans une Mercedes sombre à toit ouvrant droit vers l’autel dans la cour de la basilique, Jean-Paul II s’était assis en silence, et ce silence poignant emplissait toute la place. C’était une très courte audience. En fait, elle s’est limitée à la prière pour les victimes de ce terrible attentat.

Magdalena Wolińska-Riedi “Ça s’est passé au Vatican”

Éditions Znak. Cracovie 2020