Il vivait très profondément la messe de minuit. Apparemment, il n’a jamais évoqué la nostalgie du réveillon de Noël à la maison. Mais il se remémorait ses premières années du sacerdoce, puis son ministère épiscopal à Cracovie, où il se rendait à la messe de minuit à Nowa Huta (quartier industriel de Cracovie). En plein air, car on ne pouvait pas y construire une église – se souvient l’ancien secrétaire. – Les autorités ont arrêté la construction. Cela lui manquait beaucoup et il en parlait souvent. Il n’y avait pas de messe de minuit à ciel ouvert au Vatican. C’était devenu une tradition à Cracovie depuis des années. Elle a été célébrée pour la première fois par Mgr Wojtyła en 1959. Il l’a célébrée à l’endroit où la première église devait être érigée à Nowa Huta, le quartier- monument du socialisme, érigé à la périphérie de Cracovie. Le permis de construire de l’église a été délivré lors de la vague du « dégel » d’octobre 1956, mais après quelques années, les autorités ont commencé à y mettre des obstacles. La bataille pour l’église a duré vingt ans. L’évêque Wojtyła a combattu sur le premier front. Les messes de minuit à ciel ouvert rassemblaient des milliers de personne et encourageaient à se battre. Pour l’église qui ne pouvait pas être construite, et pour la dignité. Paweł Zuchniewicz rappelle dans une de ses publications qu’en 1963 Karol Wojtyła y avait prié deux semaines seulement après son retour de Bethléem. « Ces deux endroits lui semblaient très similaires »- écrit Zuchniewicz. « A Nowa Huta, la paroisse n’avait pas d’église depuis tant d’années ! La chapelle est le lieu où la messe est célébrée – disait-il le lendemain dans la cathédrale de Wawel. – Il y a un autel sur le mur extérieur de cette chapelle et les gens participent à la messe toute l’année, debout en plein air. Lors des messes solennelles, ils doivent se tenir debout et sous la pluie. La messe de minuit que j’ai célébrée, a eu lieu dans un grand froid. Il y avait plusieurs milliers de personnes (…).
Quelle proximité (…) entre cette messe de minuit à Nowa Huta et ce que j’ai vu à Bethléem : une misérable grotte à ciel ouvert. C’est peut-être pourquoi Karol Wojtyła choisissait la nuit du réveillon de Noël pour visiter d’autres paroisses luttant pour l’église. « En 1977– lit-on chez Zuchniewicz – lors de sa dernière messe de minuit à Nowa Huta avant d’être élu au Saint-Siège, il justifiait ces visites de la manière suivante : « Je crois (…) que dans la nuit de Bethléem, quand le Fils de Dieu est né dans une étable, l’évêque de Cracovie doit quitter la cathédrale de Wawel et se rendre partout où le Christ est sans abri. Lorsqu’il a rendu visite à Nowa Huta en tant que pape, il a parlé de ce combat pour l’Église comme « un nouveau départ de l’évangélisation au début du nouveau millénaire du christianisme en Pologne. Nous avons vécu ce nouveau départ ensemble. Et je l’ai emporté avec moi de Cracovie à Rome comme une relique ». Ça explique beaucoup. Aussi le sujet d’un Dieu sans abri, qui est apparu à plusieurs reprises dans ses discours sur l’Avent et le Noël.
Avec le consentement de Mgr Mieczysław Mokrzycki – « Une place pour chacun »
Maison d’édition Znak, Cracovie 2013