Ils étaient  assis dans mon petit salon et  attendaient l’audience

L’ascenseur du Palais Apostolique est un petit univers complètement à part. Peut-être un mètre et demi sur deux mètres et demi, magnifique, le tout dans en noyer. Combien de choses inouïes pouvions-nous entendre dans ce petit ascenseur. Combien de mots y ont été dits qui ont déterminé l’histoire du monde dans les années et les décennies à venir ! Bien sûr, il y avait un accord tacite selon lequel nous devions garder le secret. Je n’en ai même pas parlé à ma femme.

L’ascenseur est également associé aux souvenirs de situations extrêmes où quelqu’un s’est soudainement senti mal. C’est alors que Woody Allen est venu au Vatican. Il est claustrophobe. Il n’y a pas d’itinéraire alternatif pour monter même pour les invités spéciaux. Dès que le célèbre réalisateur est venu avec moi dans l’ascenseur, il a eu une crise de panique, il s’est mis à trembler de tout son corps. L’interprète qui se tenait avec nous dans l’ascenseur, a crié : « S’il vous plaît, ne fermez pas la porte ! Allen est monté voir le pape par l’escaliers, il n’a pas pu prendre l’ascenseur. Il y en avait d’autres qui étaient si nerveux à l’idée de rencontrer le pape qu’ils me prenaient la main, en la serrant fort et me tenaient  pour se remonter le moral.

Je me souviens de la venue de Jacques Chirac. Il est venu avec un peu d’avance. Il s’est assis dans notre salon, attendant l’audience, et j’ai dû nettoyer le dos de sa veste car il l’exigeait. J’ai utilisé une brosse spéciale à cet effet. Quand Chirac a été prêt, il a revêtu ses décorations, ses médailles, comme le faisaient habituellement les présidents reçus par le Pape, il m’a remercié et est monté heureux dans l’ascenseur, et je l’ai conduit à l’étage.

 

Il est intéressant de noter que de nombreux dirigeants, généralement très fiers, sûrs d’eux, imperturbables dans diverses situations, semblaient tendus, intimidés lorsqu’ils étaient assis dans mon salon et attendaient une audience avec Jean-Paul II. Ils semblaient perdus, petits. Et le pape les désarmait dès le début avec sa simplicité et sa normalité.

 

Magdalena Wolińska-Riedi “C’est arrivé au Vatican”

Edition Znak. Cracovie 2020