Ils considéraient le cardinal Wojtyła comme leurs secours

Il y a eu des mouvements de protestations cycliques en Pologne. En 1956 à Poznan c’étaient des ouvriers, en 1968 des étudiants et des intellectuels, en 1970 sur la mer Baltique c’étaient de nouveau les travailleurs. Le cardinal Wyszyński a qualifié ces mouvements de “petites révolutions”. «Révolution» parce qu’elles ont révélé l’effondrement progressif de l’idéologie marxiste et la version polonaise du «socialisme réel». “Petites” car, à l’exception des changements au niveau des autorités du parti, elles n’ont entraîné aucun changement social ni économique. Au contraire, il y a eu un renforcement des mesures de répression systémique. Il y avait de plus en plus de personnes qui, privées de liberté, considéraient le cardinal Wojtyła comme leur secours. Il était le seul à pouvoir s’occuper d’eux et à les protéger. Le métropolite de Cracovie est devenu un point de référence pour de nombreux groupes sociaux: il soutenait les revendications des travailleurs, il protégeait des jeunes, des intellectuels, des professeurs qui étaient interdits d’aller à l’église. Il défendait le monde de la science, toujours brimée par la censure, ainsi que les opposants et les persécutés. Il a agi, comme toujours, non pas par la politique, mais au nom de l’Évangile, au nom de la défense de la dignité humaine. Il y avait aussi la question des Juifs, les quelques Juifs qui vivaient en Pologne. Après la rébellion des étudiants en 1968, ils ont été accusés d’avoir organisé un complot. Une accusation honteuse, car ce n’était vraiment qu’une excuse pour cacher l’attaque contre les révisionnistes et allumer les sentiments nationalistes. L’affaire est devenue incontrôlable pour les communistes, principalement pour Gomułka, dont la femme était juive. Une véritable campagne anti-juive a commencé. Au moins quinze mille personnes ont quitté le pays. Certains sous la contrainte. Karol Wojtyła, partisan du dialogue interreligieux, entretenait depuis longtemps de bonnes relations avec la communauté juive. Au cours de ses visites pastorales dans les paroisses, il entrait souvent dans les cimetières juifs. Quand, fin février 1969, il est allé visiter la synagogue de Cracovie à Kazimierz, par ce geste, il a voulu souligner particulièrement sa solidarité et celle de l’Église catholique avec les Juifs qui ont à nouveau souffert. Quatre ans plus tôt, un événement inhabituel s’était produit à Rome. Karol Wojtyła a rencontré par hasard Jerzy Kluger, l’un de ses amis juifs les plus proches de Wadowice. Ils se sont vus pour la dernière fois avec d’autres camarades de classe en 1938, lorsqu’ils fêtaient ensemble leur réussite au bac. Plus tard, la guerre a éclaté. Ils ont pensé à eux, mais sans espoir de se rencontrer. Et pourtant, ils se sont retrouvés.

Avec le consentement du cardinal Stanisław Dziwisz – “Témoignage”- édition TBA. Varsovie 2007