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Il regardait par le hublot la Patrie qui s’approchait

Lorsque l’avion s’apprêtait à atterrir, Jean-Paul II regardait par le hublot la Patrie qui s’approchait. Il était concentré et ému. Il parlait tellement bas que j’entendais à peine sa voix. Il parlait du voyage comme d’un devoir : « Je me devais de venir en Pologne! Je dois soutenir les Polonais ! ». Il était le premier pape à franchir la frontière d’un pays communiste. Cela s’est passé en juin 1979 quand le cœur de l’Europe était toujours coupé par le rideau de fer, et le monde entier était divisé en deux camps idéologiques. L’ordre international, conditionné par la confrontation entre deux puissances – les USA et l’URSS – reposait sur l’équilibre de la terreur et de la peur d’une guerre atomique. Le Kremlin faisait tout pour rendre impossible la visite de Jean-Paul II en Pologne. Brejnev répétait depuis plusieurs jours : « Cet homme nous attirera que des ennuis ! ». Comme les autorités de Varsovie ont essayé de lui expliquer qu’il serait maladroit de refuser la venue du Pape-Polonais, Brejnev a fait une suggestion surprenante : « Dites au Pape qui est un homme raisonnable de dire publiquement qu’il ne peut pas venir à cause de son état général de santé ». Moscou voulait à tout prix éviter ce voyage. Les autorités polonaises avaient un autre problème. Saint Stanislas a été assassiné par le roi tyran parce ce qu’il était intervenu en faveur de son peuple. L’historiographie communiste l’a présenté comme un personnage embarrassant, un traître qui s’était révolté contre le roi et contre l’Etat. La perspective de faire coïncider la visite du pape avec le 900e anniversaire du martyre de saint Stanislas effrayait le régime de Varsovie. Le déplacement de la date du voyage à une date ultérieure, le plus loin possible du 8 mai aurait facilité l’obtention de l’accord du gouvernement à Varsovie. La Pologne ne croyait pas à ses yeux en voyant Karol Wojtyła debout dans un cabriolet spécial aux couleurs blanc et jaune, dit papamobile, qui parcourait les rues de Varsovie. Une pluie de fleurs tombait des fenêtres de maisons et les gens très émus pleuraient.

Avec l’accord du cardinal Stanisław Dziwisz – « Le témoignage ».