Celui qui n’avait jamais imaginé devenir Pape s’est peut-être étonné depuis le Ciel de ce qui lui est arrivé aujourd’hui. Jean-Paul Ier, surnommé le «Pape au sourire», dont le pontificat, en 1978, n’a duré que 33 jours, est désormais bienheureux.
Le soleil n’était hélas pas au rendez-vous pour agrémenter l’heureux évènement, sauf à la fin de la cérémonie, lorsque l’éclaircie est enfin arrivée. La messe a débuté Place Saint-Pierre sous l’orage, qu’a affronté la longue procession de cardinaux et d’évêques. Les fidèles étaient environ 25 000 selon les chiffres du Bureau de Presse du Saint-Siège. Parmi les membres des délégations officielles, l’on a pu apercevoir le président de la République italienne Sergio Mattarella, le Premier ministre monégasque Pierre Dartout, l’ancien vice-président taïwanais Chien-Jen Chen, et Fra’ John Dunlap, lieutenant de Grand Maître de l’Ordre souverain de Malte. Entre les bras des colonnades, des pèlerins encapuchonnés ou abrités sous des parapluies. Une majorité d’Italiens étaient venus célébrer le dernier Pape venant de la péninsule, mais également des Argentins, car le miracle attribué à Albino Luciani ayant permis sa béatification s’est produit à Buenos Aires en 2011 – une fillette de 11 ans gravement malade et mourante s’était alors rétablie grâce aux prières d’un prêtre ayant invoqué Jean-Paul Ier.
Fêté le 26 août
Après le chant d’entrée et le rite pénitentiel a commencé le rite de béatification proprement dit: la demande de béatification du serviteur de Dieu a été prononcée devant le Saint-Père par Mgr Renato Marangoni, évêque de Belluno-Feltre, le diocèse d’origine d’Albino Luciani; puis le cardinal italien Beniamino Stella, postulateur de la cause en canonisation de Jean-Paul Ier et préfet émérite de la Congrégation pour le Clergé, a lu la biographie du futur bienheureux; à ses côtés était aussi présente Stefania Falasca, vice-postulatrice, journaliste au quotidien italien Avvenire.
Le Pape François a ensuite prononcé la formule de béatification, élevant officiellement Jean-Paul Ier au rang de bienheureux et fixant la date de sa fête au 26 août, qui correspond au jour de son élection comme Souverain Pontife. L’Alleluia a alors été entonné, tandis qu’était dévoilé le portrait du nouveau bienheureux suspendu au balcon de la loggia centrale de la Basilique. Puis une relique – un de ses écrits datant de 1956, enchâssé dans un reliquaire en bois de noyer et pierre provenant de Canale d’Agordo, le village natal d’Albino Luciani – a été portée jusqu’à l’autel. Après des salutations adressées au Pape François, la messe a continué avec le chant du Gloria et la liturgie de la Parole.
Si tu veux suivre le Christ
Dans son homélie, le Pape François a commenté l’évangile du jour (Lc 14, 25-33), dans lequel Jésus explique aux foules qu’il faut Le préférer à tous et porter sa propre croix pour devenir son disciple. Un appel au détachement, suivi d’une invitation au discernement, qui révèle que Dieu «n’instrumentalise pas nos besoins, il n’utilise jamais nos faiblesses pour grandir. Il ne veut pas nous séduire par la tromperie ni distribuer des joies à bon marché».
Les motivations de quiconque veut suivre le Christ doivent être dépourvues d’intérêts personnels et d’attentes «mondaines», a prévenu le Saint-Père. En effet, «derrière une apparence religieuse parfaite, peut se cacher la simple satisfaction de ses besoins, la recherche du prestige personnel, le désir d’avoir un rôle, de contrôler les choses, le désir de prendre la place et d’obtenir des privilèges, l’aspiration à recevoir la reconnaissance et ainsi de suite, a-t-il expliqué, ce qui arrive aujourd’hui parmi les chrétiens», mais «ce n’est pas le style de Jésus» ni celui «du disciple et de l’Église».
Suivre Jésus signifie également «se charger de ses fardeaux et des poids des autres, faire de sa vie un don, non une possession la dépenser en imitant l’amour généreux et miséricordieux qu’Il a pour nous». Des choix «qui engagent la totalité de l’existence». Aussi le Seigneur souhaite-t-il que «le disciple ne mette rien avant cet amour».
L’amour et ses épines
Cet amour plus grand que nos capacités humaines se puise «du Crucifié», a indiqué le Pape, rappelant ensuite ces mots du Pape Luciani: «nous sommes de la part de Dieu objet d’un amour sans déclin» (Angélus, 10 septembre 1978), qui «resplendit toujours sur nous et éclaire même les nuits les plus sombres». Nous sommes appelés «à la hauteur de cet amour, a déclaré François, à nous purifier de nos idées déformées sur Dieu et de nos fermetures, à l’aimer Lui et les autres, dans l’Église et dans la société, (…) même les ennemis».
Aimer ne va pas sans souffrance. Cela «coûte la croix du sacrifice, du silence, de l’incompréhension, de la solitude, du fait d’être entravés et persécutés». Pour devenir disciple de Jésus, «tu ne peux faire moins que de te pencher sur la croix et te laisser piquer par quelqu’épine de la couronne qui se trouve sur la tête du Seigneur», disait encore Jean-Paul Ier (Audience Générale, 27 septembre 1978). Mais sans épine, la foi devient de «l’eau de rose». «Si, par peur de nous perdre, nous renonçons à nous donner, nous laissons les choses inachevées (…) et alors nous finissons par vivre à moitié (…)», a mis en garde le Saint-Père.
Hommage à Jean-Paul Ier, pauvre et joyeux
Autrement dit, «Jésus nous demande ceci: vis l’Évangile et tu vivras la vie, non pas à moitié mais à fond. Vis l’Évangile, vis la vie, sans compromis». Une exigence qu’a suivie le nouveau bienheureux «en aimant jusqu’à la fin». «Il a incarné la pauvreté du disciple, qui n’est pas seulement se détacher des biens matériels, mais surtout vaincre la tentation de mettre son moi au centre ou de chercher sa gloire. Au contraire, suivant l’exemple de Jésus, il a été un pasteur doux et humble», a souligné son successeur. «Il se considérait comme la poussière sur laquelle Dieu avait daigné écrire».
Le Pape Luciani a réussi par son sourire inaltérable «à transmettre la bonté du Seigneur», a reconnu François, louant plus largement «une Église au visage joyeux, au visage serein, au visage souriant, qui ne ferme jamais les portes, qui n’endurcit pas les cœurs, qui ne se plaint pas et qui ne nourrit pas de ressentiment, qui n’est pas en colère (…) ni intolérante, qui ne se présente pas de manière hargneuse, qui ne souffre pas de nostalgie du passé en tombant dans le retour en arrière».
Le Saint-Père a conclu en encourageant les fidèles à prier le bienheureux Jean-Paul Ier afin d’«obtenir “le sourire de l’âme”». Il a pour cela suggéré ses propres mots: «Seigneur, prends-moi comme je suis, avec mes défauts, avec mes manquements, mais fais-moi devenir comme tu désires que je sois» (Audience Générale, 13 septembre 1978).
Adressant quelques paroles de remerciements aux différentes délégations avant la prière de l’angélus, le Pape a également prié la Vierge Marie pour qu’elle apporte la paix «dans le monde entier, spécialement dans l’Ukraine martyrisée».
Vatican News