Il était probablement l’homme et certainement le pape qui a le plus voyagé au monde. Il a visité le plus grand nombre de pays. Grâce aux médias, au moins un demi- milliard de personnes l’ont regardé simultanément. Il couvrait une distance équivalente à trente fois le tour de la Terre, soit plus de trois fois la distance de la Terre à la Lune. Le Saint Père était jeune. Il voyageait très volontiers, fruit de l’expérience du ministère épiscopal à Cracovie. En outre, la situation du catholicisme nécessitait un nouveau regard sur le rôle du pape, qui, en tant que successeur de saint Pierre, était également – comme le rappelait Karol Wojtyła – un continuateur de la mission du grand voyageur, qu’était Saint Paul. Et tout a commencé avec le Mexique. Jean-Paul II les a immédiatement acceptés. “Nous ne pouvons pas attendre les fidèles de la Place Saint-Pierre, nous devons leur rendre visite”, avait-il l’habitude de dire. « Combien de personnes ont l’occasion de venir à Rome pour rencontrer le Saint-Père? » Il croyait qu’il était du devoir du pape et de l’Église de rechercher l’homme, comme le faisait Christ, parcourant la Terre et enseignant à toutes les nations. L’activité apostolique de Jean-Paul II était une sorte d’enseignement itinérant. Après le Mexique, ce fut le tour de la Pologne. L’Irlande, les États-Unis, l’ONU et la Turquie figuraient ensuite au programme, suivant l’ordre des invitations. Déjà les premiers voyages montraient clairement que ce pontificat allait avoir un caractère missionnaire. Il devait affronter le monde communiste, mais aussi la société libérale, agir pour l’œcuménisme et le dialogue interreligieux.
Ce qui m’a surpris, plus encore que le Saint-Père, c’était l’accueil à l’aéroport d’Ankara. Si silencieux et assez formel. Les rues étaient vides. Une telle différence par rapport aux voyages précédents. Cela ne devrait peut-être pas être une surprise si l’on sait que la Turquie est un pays laïc et en même temps presque cent pour cent musulman. En tout cas, c’était un voyage important. Le pape pouvait rencontrer le patriarche orthodoxe de Constantinople et établir un premier contact avec l’islam. La stratégie se développait lentement, mais aussi le sens profond et novateur du pèlerinage au “sanctuaire vivant du peuple de Dieu”, comme disait Jean-Paul II. Les voyages devenaient de plus en plus systématiques et de nature institutionnelle et sont devenus partie intégrante du service et de l’enseignement du pape. Le catholicisme prenait de la valeur en montrant son universalité et en encourageant le développement d’un esprit missionnaire. Les relations du Saint-Siège avec les Églises locales se sont renforcées et ont pris un caractère de plus en plus unifiant. Souvent, après le pèlerinage du Saint-Père, un plus grand nombre de vocations sacerdotales ont été enregistrées (comme dans le cas de l’Europe de l’Est et de l’Afrique) et de conversions (en Corée du Sud, où le bouddhisme et le confucianisme dominent). Parfois, l’atmosphère spirituelle accompagnant le pèlerinage mobilisait toute la nation et, d’une certaine manière, changeait sa face.
Cardinal Stanisław Dziwisz – “Témoignage”