Le temps personnel Jean-Paul II s’inscrivait également dans ce temps ouvert de toute l’Eglise. Cela devenait de plus en plus apparent à mesure que la fin de son pèlerinage terrestre approchait inévitablement. D’ailleurs, il ne s’en est jamais caché, qui plus est : il montrait aux autres cette vérité de son temps ouvert. Beaucoup se souviennent de ses paroles émouvantes avec lesquelles le 19 août 2002, aux pieds de Notre-Dame de Kalwaria, il disait au revoir à sa terre natale. Tout d’abord, dans son homélie, il a dit : « Très Sainte Mère, Dame de Kalwaria, intercède pour moi pour avoir la force de mon corps et de mon esprit, afin que je puisse accomplir la mission que le Ressuscité m’a confiée. Je Te confie tous les fruits de ma vie et de mon ministère ; Je Te confie le sort de l’Église ; Je te recommande mon peuple ; J’ai confiance en Toi et encore une fois je m’abandonne à Toi : Totus Tuus, Marie ! Totus Tuus. Amen ». D’autre part, après la Messe, il remerciait et demandait en même temps aux Polonais : « Lorsque j’ai visité ce sanctuaire en 1979, je vous ai demandé de prier pour moi ici, durant ma vie et après ma mort. Aujourd’hui, je vous remercie ainsi que tous les pèlerins de Kalwaria pour ces prières et pour le soutien spirituel que je ressens constamment. Et je vous demande encore : n’abandonnez pas cette prière – je le répète une fois de plus – pendant ma vie et après ma mort. Comme toujours, je rendrai votre bienveillance en confiant tout le monde au Christ Miséricordieux et à sa Mère. »
Son avant-gardisme – son temps ouvert – n’a jamais été sans racine. En se référant à son poème de 1974 « Quand je pense à la Patrie », on peut dire : il émergeait constamment, pleinement consciemment, de sa Pologne bien-aimée, et en même temps il continuait à s’y enraciner. Il la percevait comme un trésor, se demandant sans cesse : “comment le multiplier, comment agrandir l’espace qu’il remplit”.
Nous pouvons dire la même chose de son lien avec l’Église. Dans le poème inachevé Stanisław, écrit à Rome en 1978, juste avant le conclave après la mort de saint Paul VI, il déclarait : « Je veux décrire l’Église – / mon Église, qui naît avec moi / mais ne meurt pas avec moi – et je ne meurs pas avec elle / qui me dépasse sans cesse – / l’Église : le fond de mon être et le sommet. / L’Église – la racine que je mets dans le passé et l’avenir à la fois, / Le sacrement de mon existence en Dieu qui est le Père. »
Le présent de Karol Wojtyła – saint Jean-Paul II se trouvait sur la jonction entre le passé et la recherche de l’espérance dans l’avenir. C’était l’espace dans lequel il forgeait consciemment son identité. Celui qu’il devenait. Celui qui est resté gravé dans notre mémoire – maître et enseignant du temps ouvert.
La Fondation portant le nom de Jean-Paul II, dans laquelle nous avons eu l’occasion de travailler par la volonté de la Providence de Dieu, doit non seulement conserver son héritage, mais aussi l’approfondir : pour notre bien, pour la bonne formation de notre identité, pour que nos vies etcelle de tous ceux qui viendront après nous, soient remplis d’espoir, du temps ouvert à l’éternité.
Saint Jean de Latran, le 23 septembre 2022