« Il ne faut pas mentir au Pape ! »

– Je me souviens d’une promenade vers la fin de la vie de Jean-Paul II. A cette époque, le Saint-Père ne marchait pas très bien. Je l’emmenais avec le père Dziwisz quelque part sur une route de montagne, en pleine nature, puis ils partaient à pied, et je les suivais en voiture à distance, très lentement, pour les récupérer plus loin. Je réinitialisais toujours compteur de kilométrage pendant ce temps, car le Saint-Père, en remontant dans la voiture, voulait savoir la distance qu’il avait parcouru. Une fois il s’est mis à pleuvoir pendant la promenade papale et j’ai oublié de réinitialiser le compteur. Au bout d’un moment, le pape monte dans la voiture et s’assied à côté de moi sur le siège avant. Un instant plus tôt, le Père Stanisław m’avait chuchoté à l’oreille : « Valentino, quand le Saint-Père demande quelle distance il a parcouru, ajoute quelques mètres pour lui donner du courage, tu sais – pour l’encouragement, c’est important ». Alors, quand le pape a demandé : « Valentino, combien avons-nous parcouru aujourd’hui ?», j’ai répondu sans hésitation : « Environ un kilomètre, Votre Sainteté ». Et il m’a regardé droit dans les yeux, a levé son index vers le haut dans un geste de contestation et m’a dit : « Il ne faut pas mentir au pape !

J’étais confus et j’avais honte, je me sentais tellement stupide … J’ai vu dans le rétroviseur le père Dziwisz assis à l’arrière et qui riait. Tout cela m’a beaucoup marqué. Pour moi le Pape était quelqu’un de très proche, et pour rien au monde, je ne voulais l’offenser. « Il ne faut pas mentir au Pape ! » Ces mots prononcés d’un ton ferme et catégorique, résonnent dans mes oreilles encore aujourd’hui. Et je me souviens de son regard qui perçait – un regard qui lisait instantanément vos pensées et vos sentiments.

Magdalena Wolińska-Riedi “Ça s’est passé au Vatican”

Éditions Znak. Cracovie 2020