Dans les pays au-delà du mur de Berlin, 1968 était différent de celui du monde libre. Différent, bien sûr, en raison de la situation historique, politique et culturelle, mais plus encore en raison des motivations qui étaient à l’origine des actions et des objectifs fixés. En Occident, la contestation s’est retournée contre toutes sortes d’institutions et de formes de pouvoir. En Europe de l’Est, en revanche, les batailles se sont déroulées principalement au nom de la liberté et de la démocratie. Ou, comme en Tchécoslovaquie, la dernière tentative a été faite pour réformer le communisme, pour construire « un socialisme à visage humain ».
En Pologne, les manifestations étudiantes ont été brutalement réprimées. Le régime a profité de cette manifestation pour procéder à une gigantesque épuration : un complot sioniste est inventé pour attaquer les « révisionnistes » et susciter des sentiments nationalistes dans la population.
La protestation des étudiants a également échoué car les travailleurs n’ont pas soutenu l’action des jeunes et de la communauté universitaire. Ils se sont laissés utiliser par le régime ou ont adopté une attitude indifférente, mais c’était pour eux une amère leçon. Ce n’est que plus tard qu’ils ont réalisé leur erreur d’être allés s’opposer à leurs propres enfants dans les barricades. Ils ont compris qu’à l’origine de la protestation se trouvait un réflexe sain et droit. Il s’agissait du désir de liberté d’expression, de vivre dans la vérité, pas dans le mensonge. L’idée était que la Pologne devienne enfin un pays normal.
Cependant, la répression du régime a causé d’énormes pertes. Le dernier groupe de quinze mille Juifs a quitté la Pologne. Leszek Kolakowski, philosophe, scientifique marxiste, expulsé du parti et privé du droit d’enseigner, a également dû émigrer. Au même moment, une nouvelle bouleversante est arrivée de Tchécoslovaquie : dans la nuit du 20 au 21 août, les chars soviétiques ont réprimé le “Printemps de Prague”.
Karol Wojtyła (nommé cardinal entre-temps) soutenait ouvertement les jeunes et soutenait le monde de la culture. En témoigne le fait que, pour la première fois, la gauche a commencé à apprécier l’Église. Une réflexion sur l’ouverture d’un dialogue sur la sphère des libertés civiles a été engagée. L’archevêque de Cracovie a dénoncé publiquement le fait de contraindre des personnes appartenant au Peuple élu qui constituaient une partie importante de la société, à quitter le pays (c’est pourquoi il s’est rendu à la synagogue de Cracovie en signe de solidarité), ainsi que le fait de contraindre à émigrer d’illustres représentants de l’intelligentsia.
Avec l’accord du cardinal Stanisław Dziwisz – “J’ai vécu avec un Saint”
Maison d’édition de Saint Stanislaw BM. Cracovie 2013