Il a murmuré: “Je n’ai pas de voix” …

J’ai senti que son heure venait. Le Seigneur le rappelait … Le dimanche de Pâques, le Saint-Père voulait au moins donner la bénédiction “Urbi et Orbi”. Il s’y préparait soigneusement, il avait essayé de répéter les paroles de bénédiction quelques instants plus tôt et il semblait que tout irait bien. Cependant, après le discours du cardinal Sodano, lu sur la Place, le pape debout à la fenêtre, n’a pas pu donner sa bénédiction, soit par émotion, soit par souffrance. Il murmura: «Je n’ai pas de voix», puis, en silence, il fit un triple signe de croix, salua la foule et nous laissa voir du regard qu’il voulait quitter la fenêtre. Il était profondément ému, aigri et en même temps épuisé par l’effort vain. Les gens sur la place, émus, applaudissaient, l’appelaient, et il sentait tout le poids de son impuissance et de sa souffrance sur lui. Il me regarda dans les yeux: «Ce serait probablement mieux si je mourais, car je ne peux pas remplir la mission qui m’a été confiée». Je voulais répondre, et il a ajouté: “Que Ta volonté soit faite … Totus tuus.” Ce n’était pas une expression de résignation mais de soumission à la volonté de Dieu. Le mercredi 30 mars, le Saint-Père est de nouveau apparu à la fenêtre. Sur la Place, il y avait cinq mille jeunes de l’archidiocèse de Milan, venus pour la profession de foi. Nous avons estimé qu’il ne devrait donner qu’une bénédiction. Mais quand il le fit, il fit signe d’une main ferme de rapprocher le microphone de lui. Il voulait dire quelques mots. Juste un mot. Au moins merci. Mais aucun son ne sortit de sa bouche. En s’éloignant de la fenêtre, il n’avait plus le regard impuissant qu’on avait pu voir le dimanche de Pâques. Il savait déjà, il était prêt … Le lendemain, vers 11 heures, il célébra la messe dans la chapelle. À un moment donné, nous avons eu l’impression que son corps se déchirait de l’intérieur. La fièvre atteignait quarante degrés. Les médecins ont immédiatement diagnostiqué un choc septique sévère associé à un collapsus cardiovasculaire, dû à une infection des voies urinaires. Cette fois, il n’était pas question d’hospitalisation. J’ai rappelé au professeur Buzzonetti la volonté claire du Pape de ne plus retourner à l’hôpital. Il voulait souffrir et mourir chez lui, près du tombeau Saint-Pierre. À domicile, les médecins pouvaient également  prodiguer les soins nécessaires. Jean-Paul II s’est retrouvé dans sa chambre. Sur le mur en face du lit se trouvait une image du Christ souffrant et enchaîné. À côté de l’image de Notre-Dame de Częstochowa. Une photo de ses parents sur la table. À la fin de la  Messe que j’ai célébrée, nous nous sommes tous approchés et avons embrassé sa main. “Mon Stan” – dit-il en me caressant la tête. Puis ce fut le tour des sœurs qui dirigeaient la maison, il les a toutes appelées par leur nom, et enfin les médecins et les ambulanciers.

Avec le consentement du cardinal Stanisław Dziwisz – “Témoignage”.

Édition TBA,  Varsovie 2007