Tout commença probablement en 1972, pendant le traditionnel pèlerinage des ouvriers au sanctuaire de Piekary. Ce jour-là, en face d’une foule immense, l’archevêque de Cracovie critiqua durement les attaques à la liberté religieuse. Par certains aspects, c’était une nouveauté. Précisément par sa formation théologique et philosophique, et donc par la conception qu’il avait de l’homme et par la vision de l’histoire qu’il avait développée, Wojtyła ne s’était jamais senti en opposition à un système déterminé, à une idéologie ni même à quelqu’un. Seule la vérité sur l’homme et le respect de la singularité de la personne l’intéressaient. Mais le marxisme était désormais en train de corrompre l’âme même de la Pologne. La situation sociale et économique empirait. Le pays courait le danger d’être submergé par un mensonge dominant, par l’apathie croissante de la population. Le cardinal Wojtyła décida donc que le moment était venu de sortir à découvert.
Je ne sais pas si une décision concrète fut prise. Je me souviens cependant de tout ce qu’il dit un jour dans une homélie, et surtout le ton avec lequel il le dit : « Comment pourrais-je me taire ? » Précisément par le fait de ne pas se taire, de ne pas vouloir se taire, il devint le protecteur de tous les persécutés : intellectuels, étudiants, juifs, révisionnistes, dissidents. De plus, il n’avait pas peur de rencontrer les chefs de l’opposition : il agissait avec prudence, sans exposer personne à des conséquences désagréables, mais de cette façon il les soutenait, les aidait moralement. Il aidait aussi concrètement – c’est-à-dire sur le plan financier- des personnalités de la science et de la culture que des dirigeants communistes zélés avaient fait licencier. Certes, il le faisait avec beaucoup de discrétion, il ne voulait humilier personne. Je peux le dire par expérience, car souvent il me demandait d’être « médiateur » dans ce domaine.
Avec l’accord du cardinal Stanisław Dziwisz « J’ai vécu avec un saint »
Edition – Wydawnictwo Św. Stanisława – Cracovie 2013
